Ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas : développer les capacités pour mieux gérer les risques de catastrophe

La communauté humanitaire internationale convient que le développement et le renforcement des capacités des acteurs nationaux et locaux sont essentiels pour améliorer la gestion des risques de catastrophe. Chaque année, des institutions donatrices internationales et des organisations non gouvernementales (ONG) investissent des millions de dollars dans des initiatives destinées à renforcer les capacités. Pourtant, peu d’informations sont disponibles sur l’efficacité ou les effets à long terme de ces investissements.
Le chapitre 2 présente les premiers résultats d’un projet de recherche mené par la Fédération internationale sur les initiatives de développement des capacités et leurs effets sur la gestion des risques de catastrophe par les acteurs locaux. L’étude doit contribuer à la constitution d’une base de données factuelles sur la conception et la mise en œuvre réussies d’initiatives de développement des capacités en matière de gestion des risques de catastrophe, les défis et les solutions, qui seront communiquées à la communauté humanitaire.
Le développement des capacités est l’un des éléments principaux de l’approche de la Fédération internationale pour des partenariats équilibrés avec les Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et l’investissement dans ces dernières. Si la solidarité internationale est cruciale pour répondre aux besoins humanitaires à court terme, notamment dans les situations d’urgence, elle ne peut remplacer les acteurs locaux légitimes, qui rendent des comptes, y compris les Sociétés nationales qui mènent une action humanitaire pertinente et soutenue.
Dans ce contexte, six études de cas réalisées en Éthiopie, en Haïti, au Mozambique, au Myanmar, au Pakistan et aux Philippines, montrent ce qui fonctionne et les défis que pose l’établissement de partenariats avec les communautés, les organisations et les gouvernements au niveau local en vue d’élaborer et de mettre en œuvre des programmes de développement efficace et durable des capacités, qui favorisent la participation et l’adhésion aux initiatives axées sur la gestion des risques de catastrophe.
Ce chapitre démontre que le développement des capacités peut conforter et intégrer les points de vue et les priorités en matière de réduction des risques de catastrophe (RRC) à tous les niveaux, de l’élaboration des politiques et des programmes gouvernementaux à la planification au niveau communautaire. Toutefois, pour que le développement des capacités soit véritablement efficace, il faut s’écarter de l’idée selon laquelle il se résume à la fourniture d’équipements et de formations destinés à renforcer les connaissances techniques. Il doit être conçu dans une perspective plus large et intégrer le développement des capacités fonctionnelles – élaboration de mécanismes décisionnels, plans, réglementations et structures permettant d’améliorer la gestion des risques de catastrophe.
L’étude révèle que l’investissement dans le développement des capacités porte ses fruits sur le long terme quand il est motivé par un besoin local réel et que les acteurs et les organisations au niveau local participent activement à l’élaboration des programmes. Les études de cas montrent clairement que l’utilisation de méthodes culturellement pertinentes, en particulier lorsqu’elles sont créatives ou originales, favorise la participation des acteurs locaux aux initiatives de développement des capacités en matière de RRC. Il faut pour cela vouloir faire plus que simplement remplir les exigences des donateurs et contribuer à la réalisation des objectifs convenus.
Les meilleures pratiques en matière de conception et de mise en œuvre d’initiatives de développement des capacités suivent les principes suivants : flexibilité, appropriation, planification globale, interaction entre les acteurs et les différents niveaux, attention accordée au développement des capacités fonctionnelles et nécessité de promouvoir les capacités intersectorielles pour élaborer des approches globales en matière de RRC.
Chaque étude de cas a été considérée à l’aune de ces six principes. Les quatre thèmes généraux ci-dessous se sont dégagés.
Renforcer l’appropriation par la participation
Renforcer l’appropriation par la participation est essentiel pour assurer une gestion efficace des risques de catastrophe. Il en est ainsi à tous les niveaux, de l’échelon gouvernemental au niveau communautaire. La participation active des personnes visées par les initiatives de développement des capacités à la conception et à la mise en œuvre du processus non seulement garantit la pertinence du programme par rapport à la situation sur le terrain, mais aussi renforce la volonté d’utiliser et d’entretenir les nouvelles compétences et connaissances acquises. L’étude montre que l’appropriation requiert de tous les partenaires concernés un véritable investissement de temps, des activités structurées, de la créativité et de la flexibilité.
Créer un environnement facilitateur
En substance, un « environnement facilitateur » se caractérise par une volonté forte d’assurer un soutien suffisant à la RRC et d’en faire une priorité dans un pays ou une région. Les initiatives de développement des capacités doivent permettre de surmonter les difficultés et les obstacles qui peuvent avoir un impact sur la participation et la motivation. Au niveau communautaire, un environnement facilitateur peut être créé en reliant l’amélioration de la gestion des risques de catastrophe au renforcement des moyens de subsistance — on encourage la participation en renforçant les moyens de subsistance tout en réduisant la vulnérabilité aux aléas tels que les glissements de terrain et les crues subites.
Au niveau national, la création d’un environnement facilitateur passe nécessairement par la mise en place d’un groupe de professionnels de la gestion des risques de catastrophe, qui joueront un rôle de mentors. La création de ce groupe peut, dans une certaine mesure, contribuer à décourager les changements de personnel, qui sont un obstacle majeur au maintien des connaissances et des compétences institutionnelles et, à terme, à la pérennité des initiatives de développement des capacités.
Améliorer l’impact de la formation
L’étude révèle qu’au-delà de la fourniture de formations techniques, il est urgent d’intégrer les aspects fonctionnels de la gestion des risques de catastrophe, y compris des politiques, une planification, des mécanismes décisionnels et une coordination améliorés, dans le développement des capacités. Si les capacités fonctionnelles peuvent découler de l’amélioration des capacités techniques, ce chapitre appelle néanmoins à leur intégration délibérée dans l’élaboration des programmes de développement des capacités, même si cela implique simplement d’inclure le développement des capacités fonctionnelles dans la formation technique. Cela s’est avéré efficace aux Philippines, où un cours sur le renforcement des capacités en matière de RRC a permis à des responsables gouvernementaux d’acquérir des compétences de planification et de renforcer leurs connaissances techniques. Les participants ont ensuite appliqué leurs nouvelles connaissances dans le cadre d’une formation sur l’élaboration d’un plan local de RRC, et mis au point un système pour l’examen, la finalisation et la mise en œuvre du plan après la formation.
Soutenir l’intégration de la gestion des risques de catastrophe dans les processus globaux des gouvernements
On peut intégrer la RRC de manière efficace par le biais d’initiatives de développement des capacités en promouvant l’intégration à titre prioritaire de la RRC dans les processus gouvernementaux de planification de toutes les sections et institutions actives dans le domaine du développement. L’étude de la Fédération internationale révèle que les organisations œuvrant au développement des capacités de RRC adoptent une démarche remarquablement progressiste pour encourager la participation, créer un sentiment d’adhésion et renforcer les capacités et les structures de RRC existantes.
Le chapitre 2 montre qu’il existe encore des lacunes dans le développement des capacités, l’accent n’étant pas mis suffisamment, par exemple, sur la prévention/l’atténuation des catastrophes, le relèvement durable, la réduction des vulnérabilités ou les questions de genre. En particulier, il faut mieux comprendre les moyens d’augmenter la durabilité et l’impact des gains de capacité. Néanmoins, les initiatives de développement des capacités peuvent contribuer, directement ou indirectement, à la création « d’environnements facilitateurs » en vue d’un glissement vers une perspective plus large et plus durable de la RRC.
Principes clés du développement efficace des capacités de gestion des risques de catastrophe
Être flexible et adaptable
Les interventions de développement des capacités doivent être envisagées avec souplesse, pour que la conception des programmes soit adaptée au contexte, plutôt qu’être imposée par un acteur extérieur en tant que « modèle ».
Planifier globalement
Les programmes de développement des capacités doivent être conçus soigneusement pour correspondre au contexte ; ils doivent être réactifs et durables. Il convient de baser les plans sur les capacités existantes. Il faut que le calendrier des activités de programme soit adapté au contexte.
Garantir l’appropriation et promouvoir les partenariats
Les personnes concernées par le développement des capacités devraient jouer un rôle moteur tant dans la conception que dans la mise en œuvre du programme correspondant. Une participation active permet de s’approprier le programme, de même qu’un énoncé clair des responsabilités et l’engagement des cadres.
Créer des interactions entre les divers échelons et acteurs
Les initiatives de développement des capacités devraient permettre de mieux coordonner les divers échelons et de mieux travailler avec les parties prenantes, en remédiant à l’insuffisance des capacités et de la communication.
Mettre l’accent sur le renforcement des capacités fonctionnelles
Les programmes de développement des capacités peuvent aider à créer concrètement un environnement facilitateur en développant des structures d’incitation favorisant la performance et la fidélisation du personnel, par exemple. Les programmes peuvent aussi promouvoir les conditions politiques requises pour soutenir la réduction des risques de catastrophe (RRC) en priorité.
Faciliter la RRC et une plus grande résilience
À terme, les interventions de développement des capacités de gestion des risques de catastrophe doivent adopter une approche plus globale influencée par l’idée de réduction des risques de catastrophe, notamment en dépassant le cadre de la gestion à court terme des situations urgence pour renforcer la capacité de prévenir les catastrophes, d’en atténuer les effets et de reconstruire.